La face cachée de la Terre, Rediffusion Mardi 12 Mai vers 8h50

sur  France 3 Sud-Ouest : Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes.

Le film invite à la découverte d’un univers quasiment inexploré, une plongée sous terre, mais aussi sous l’eau, dans les réseaux noyés qui comptent parmi les plus beaux et les plus importants de France, ceux de la région Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

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Un milieu mystérieux, sombre, et hostile, dont l’approche est réservée à quelques initiés…. parmi lesquels Frank Vasseur qui sera notre guide. Avec Frank et son équipe de plongeurs passionnés, nous nous immergerons dans ces rivières obscures, où il convient de s’aventurer avec le maximum de précaution.

Extrait du documentaire La face cachée de la terre par france3midipyrenees

Une coproduction : 13 Productions et France Télévisions

Un film de Pascal Lorent

Réalisé par Michel Brunet

Produit par : Cyrille Perez & Gilles Perez

Au fil des siècles, la planète a été parcourue dans ses moindres recoins par des aventuriers et géographes de tout pays.

Nous disposons désormais  de cartes complètes et des photos satellites couvrant la totalité du globe terreste.

Seuls deux territoires ont échappé à cet inventaire : les abysses marins et les réseaux souterrains.

Ces réseaux sont le cheminement d’une rivière qui s’écoule à travers le sous sol, parfois très profondément, avant de ressortir à l’air libre. On appelle cet endroit une résurgence.

Ces derniers, sculptés par l’eau et le temps, reçoivent la visite, depuis quelques décennies, d’aventuriers d’un nouveau genre. Les plongeurs souterrains ou spéléo-plongeurs.

L’apparition du scaphandre autonome mis au point par Cousteau et Gagnan, dans les années quarante, a permis aux pionniers de la plongée souterraine d’étendre l’exploration des siphons (jusque là limitée par des équipements mal adaptés, tel que le scaphandre « pieds-lourds »).

Mais, il faudra attendre les années quatre-vingt-dix, pour disposer des matériels et des techniques permettant d’affronter, dans de bien meilleures conditions, l’eau, le froid, le noir, la profondeur.

Ceci est possible grâce à des recycleurs en circuit fermé, qui régénèrent l’air expiré par le plongeur. Des combinaisons étanches et parfois chauffantes, permettent de séjourner aussi longtemps dans une eau à dix degrés. Ces techniques, auxquelles s’ajoutent l’utilisation de scooters sous-marin électriques, ont considérablement élargi la surface d’exploration.

La progression dans ces boyaux, souvent étroits et obscurs, reste toutefois assez dangereuse. Chaque expédition est minutieusement préparée.

Frank Vasseur va nous faire découvrir ce monde méconnu.

Ce Montpelliérain de 44 ans écume cette région depuis vingt-cinq ans. Avec son équipe, il a répertorié de nouveaux réseaux comme celui de Laval de Nize, près de Lunas, aux portes du Parc Régional du Haut Languedoc.

Instituteur près de Montpellier, il a appris a plonger en 1986, «  avec l’idée de poursuivre l’exploration souterraine au-delà des siphons qui empêchent la progression du spéléologue. ».

Pour se donner les conditions maximum de sécurité lors des immersions profondes et de longue durée, Frank Vasseur doit maîtriser toutes les techniques nouvelles de plongée (notamment recycleur et scooter).

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 Reconnu au niveau international dans cette spécialité, il a fédéré autour de lui un groupe d’amis qui, régulièrement, viennent le retrouver et partager cette passion. Il est un accro de l’image et au cours de ses plongées, il souhaite restituer le plus fidèlement possible « ce que peu d’yeux ont vu  », avec son appareil photo qui ne le quitte jamais.

« L’envie, dit il, de montrer la plongée souterraine autrement, de partager ces ambiances uniques, mélange d’aquatique et de tellurique. »

« Ces galeries souterraines sont de formidables réservoirs d’eau potable qui pourraient alimenter, une ville de la taille de Montpellier.
Ainsi, un des sites en cours d’exploration systématique, le Durzon, sur la commune de Nant, dessert déjà vingt-sept communes ».

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© Franck Vasseur Le Durzon

La connaissance des réseaux hydrologiques souterrains est d’une importance capitale pour l’évaluation et la gestion des ressources en eau. On estime en effet que le milieu souterrain renferme 97% des eaux douces continentales.
Il est donc nécessaire d’évaluer la qualité et la quantité de ces masses d’eau et de les cartographier.
En raison de la difficulté d’accéder à ces aquifères complexes, les réseaux souterrains sont aujourd’hui encore largement méconnus.

Hervé Jourde et Frank Vasseur

Sur le site expérimental  de forage de Saint Mathieu de Tréviers (Hérault), l’hydrologue Hervé Jourde, appartenant au Pôle Hydrosciences de Montpellier,  a rassemblé des enseignants et étudiants pour des travaux pratiques in situ.

A cet endroit précis du massif karstique, sur le bassin du Lezdu Vidourle et de l’ Hérault, 22 forages ont été réalisés, dans l’objectif d’étudier la dynamique des crues en y réalisant en temps réel une radiographie du sous sol et de la nappe phréatique.
Frank Vasseur est particulièrement intéressé par ces recherches, lui qui connaît le massif, de l’intérieur. Hervé Jourde profite d’une pause dans les travaux pour lui expliquer que le karst peut amplifier les crues jusqu’a en doubler le volume:

 » le stockage est très important, cela permet d’anticiper sur les réserves en eau potable »

Hervé, le scientifique et Frank le plongeur s’enrichissent mutuellement de leurs observations.

L’hydrogéologue veut profiter d’un camp de plongée organisé par le plongeur au cours de l’été a la source du Durzon sur le Larzac Aveyronnais pour lui confier une mission: prélever des échantillons d’eau et de roches aux fins d’analyse.

Rendez vous est pris a la fin de l’été au Durzon, Frank Vasseur propose à Hervé Jourde d’effectuer à cette occasion sa première plongée en rivière souterraine.

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Frank Vasseur et son équipe aux sources du Durzon dans l’Aveyron.

Nous nous rendons à Nant aux portes du Gard, un lieu somptueux et méconnu.
La plupart des réseaux sont déjà recensés, mais Frank et ses amis continuent de répertorier de nouvelles galeries et essayent de comprendre leur fonctionnement hydraulique.
Une vingtaine de plongeurs sont réunis pour une semaine autour de Frank à la source du Durzon. Celle-ci alimente en eau potable les communes  voisines du Larzac.
L’objectif est d’explorer le réseau souterrain au delà des 1120 mètres déjà topographiés.

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« Ce qui est satisfaisant, c’est de donner de la vie à une cavité invisible depuis des millions d’années. Souvent on me demande à quoi ça sert ? Et je répond pourquoi Charcot a t il sillonné le Pôle Nord ? Pourquoi Théodore Monod a t il parcouru le désert?Ce qui m’attire au fond, c’est d’évoluer la, ou personne n’est jamais allé, d’être porté par le fluide en trois dimensions, et de prendre du plaisir tout en restant vigilant »

Nous enchaînons sur une séquence historique, dans laquelle nous ferons la connaissance des premiers hommes qui se sont aventurés dans ces cavités. Haroun Tazief, Jacques-Yves Cousteau…

Frank prépare minutieusement ses plongées. Rien ne doit être laissé au hasard.
Au premier incident, la plongée est interrompue, même si l’on connaît parfaitement la cavité, les siphons, les courants.

C’est la règle, et si l’incident est mineur, on remonte, pour éviter une succession d’incidents pouvant dégénérer en accident.

« On s’organise toujours en prévision du pire parce qu’on évolue dans un milieu hostile et parfois complètement inconnu.
La panique sous terre , ça peut être la mort quand le cerveau ne fonctionne plus, le cerveau étant le seul élément pour lequel il n’existe pas de redondance , c’est pourquoi, en plongée souterraine, il est préférable d’associer les cerveaux, en plongeant en équipe
. »

Un médecin hyperbariste, Fabrice Couraud, qui est aussi plongeur, a préparé tout le dispositif de secours en cas d’acccident.

Un autre médecin hyperbariste, Mathieu Coulanges, qui traite généralement les plongeurs victimes d’accidents de décompression en mer, a fait le déplacement pour s’informer sur une discipline qu’il maitrise mal.

Frank constitue les équipes qui vont se relayer en plongée durant toute la semaine.
La première journée est consacrée a l’installation d’une ligne de sécurité avec des bouteilles de secours placées a intervalles réguliers.

Les journées suivantes, il est prévu de faire des relevés topographiques, films, photos et prélèvements d’eau et de roches pour l’hydrogéologue Hervé Jourde.

Lors de ces plongées en rivière souterraine, Frank , Mehdi, Rémy, Fred et les autres (ils sont une bonne vingtaine à se retrouver plus de cinquante fois par an), mesurent, photographient, filment et enfin  transposent leurs données sur ordinateur, pour réaliser  la topographie des réseaux souterrains qu’ils découvrent au fur et à mesure.

Ces informations sont utiles pour  planifier les plongées ultérieures, mais elles servent également aux géologues et aux hydrogéologues qui travaillent sur les ressources en eau potable générées  par les massifs karstiques.

Vincent Prié, biospéléologue à Sauve dans le Gard.

Un magnifique village médiéval, adossé au massif du Coutach et surplombant une vasque aux eaux sombres. La source du Vidourle.
Un grand potentiel biologique de découverte demeure ici, et c’est à cet endroit que le biospéléologue a décidé de s’immerger.

Le bio-spéléologue Vincent Prié n’avait jamais encore plongé en rivière souterraine. Il va profiter d’une exploration de Frank Vasseur aux sources du Vidourle à Sauves dans l’Hérault pour s’immerger sous terre. Son objectif est en effet de collecter des mollusques et des crustacés qui peuplent ces réseaux sans lumière. L’étude de ces prélèvements uniques lui permet d’achever une thèse sur le sujet au Museum d’Histoire Naturelle de Paris.

La plongée de Sauve est une réussite. Sur un lit de sable, Vincent découvre de nouvelles espèces qu’il prélève minutieusement grâce à une pincette. Après étude morphologique et génétique, le biologiste est très enthousiaste, quand nous le retrouvons dans son  laboratoire chez lui près de Lodève:

« C’est exceptionnel de trouver des spécimens vivants, j’ai trouvé 7 individus,  et j’ai réussi a en identifier quatre. Les résultats montrent qu’il y a à Sauves une espèce différente des bassins versants adjacents, ça va dans le sens de ce que je pressentais, les  hydro-systèmes  se comportent  comme des îlots indépendants, on est dans le même schéma que les Galapagos pour Darwin.  On a des îles dans le sud de la France a l’intérieur desquels les faunes évoluent séparément et nous racontent des histoires de plusieurs dizaines de milliers d’années ».

Frank Vasseur et ses amis plongeurs.

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Mehdi, ce sapeur pompier professionnel de Millau (Aveyron), effectue tous les relevés topographiques et photographiques des réseaux immergés non explorés, en compagnie de Frank, depuis longtemps déjà…

Rémy, responsable d une entreprise de Télécom est un ancien plongeur mer. Il a attrapé le virus au cours d’un stage et ne peut plus s’en passer.
« On ne peut pas savoir comme c’est beau, au fond,  si on a jamais fait ce type de plongée. Il y a la un monde fait de roches, d’eau,  toute une atmosphère… »

Didier vit à Antibes. Il est issu de la spéléologie. Didier connaît par cœur la grotte de La Mescla dans la vallée du Var. Il l’a arpentée en long et en large avec Frank et Eric Establie disparu tragiquement, coincé par un éboulement, dans une cavité en Ardèche en 2010. Eric était un des meilleurs explorateur de cavités non cartographiées.

Frank Vasseur aime partager sa passion. Il initie de nouveaux adeptes à la fréquentation de ce milieu étrange. Nous suivrons la formation de Françoise une varoise, monitrice de plongée à Cavalaire qui a décidé d’élargir son champs d’exploration. A quarante-cinq ans, elle se lance courageusement  dans ce monde nouveau pour elle. Elle est une des rares adeptes à pratiquer cette activité.
La formation se déroule dans le Lot. Au programme, les vasques du Quercy, des galeries très larges baignées par une eau limpide. Un terrain idéal d’entraînement pour Françoise qui va découvrir pour la première fois ce milieu obscur.

Même si aujourd’hui, la technique de la plongée souterraine autonome a fortement progressé et permet d’évoluer plus sereinement dans ces boyaux immergés, la découverte de ce milieu demeure très délicate et est réservée à des plongeurs chevronnés.

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« Pourquoi j’ai voulu faire ce film », par Pascal Lorent

En 2012, au cours d’un tournage consacré aux épaves de Méditerranée, je rencontre Frank Gentili, un ami de Frank Vasseur, le Montpelliérain.
Entre deux plongées profondes sur une épave au large de Banyuls, Frank Gentili me parle longuement de ses expéditions souterraines dans les vasques du Lot, mais aussi dans le Gard, l’Héraut, la Lozère et les Pyrénées Orientales.

Des plongées, parfois en solitaire qui consistent à s’enfoncer, dans ces labyrinthes de roches, «  tirer du fil   » selon l’expression consacrée, c’est à dire dérouler un fil d’ariane, pour mesurer les nouveaux réseaux découverts, mais aussi pour ne pas se perdre et retrouver l’air libre après plusieurs heures de progression dans cet univers jalonné de pièges.

Plongeur chevronné depuis mon enfance, je découvre un univers qui m’est complètement inconnu.

C’est de cette rencontre avec Frank Gentili, puis avec Frank Vasseur, que nait l’idée d’un  film sur la plongée souterraine et leurs acteurs.

Peu à peu le projet prend forme : extraire ces plongeurs,  le temps d’un été, de l’ombre où ils se complaisent.

Il existe très peu d’images professionnelles sur ces galeries dont certaines sont immenses et d’autres très étroites, et toujours d’une stupéfiante beauté. Peu de récits,  aussi sur ces plongeurs aventuriers, qui ont comme dénominateur commun, l’humilité et la discrétion. La plupart du temps, on ne parle d’eux que lorsque l’un des leurs est victime d’un accident, coincé dans une artère par d’un éboulement.

Scaphandrier professionnel expérimenté, j’ai rapporté des images sous-marines de toutes les mers du monde, j’ai filmé les requins de Rangiroa et les épaves de guerre en Méditerranée ou dans le Pacifique Sud, mais cet univers aquatique souterrain constitue pour moi une découverte totale.

Ma difficulté est de vaincre l’appréhension du noir et de l’inconnu, même si je suis  toujours accompagné par plusieurs d’entre eux, qui sacrifient leur exploration pour veiller à ma sécurité. Certain d’entre eux (Fred, Remy, Dominique ou les deux Frank), m’ont prêté main forte pour éclairer les galeries et révéler ce milieu minéral. Ils ont eu beaucoup de patience.

La difficulté est de maîtriser à la fois le tournage et le déroulement de ces plongées très particulières, même si je ne m’enfonce jamais au plus profond de ces réseaux.

Lors d’une séance d’images dans la source de Burle, dont l’entrée se situe dans le magnifique village de Sainte Enimie, en Lozère, il m’est arrivé une petite mésaventure.

Lorsque l’on tourne sous terre, avec une caméra sous-marine encombrante, on a tendance à focaliser son attention sur l’image qu’on est en train de tourner et le danger est de perdre le sens de l’orientation.

Ma bouteille de secours s’est enroulée dans le fil d’ariane et en essayant de me dégager, j’ai senti monter un peu l’inquiétude qui peut se transformer très vite en angoisse. Frank Gentili, mon ange gardien sur cette plongée, m’a très vite aider à me libérer. Je lui ai fait signe que je souhaitais sortir et retrouver l’air libre et j’ai pris, ce que je pensais être la direction de la sortie. En fait je partais dans la direction opposée.

Il faut prendre cette activité avec beaucoup d’humilité et ne jamais perdre de vue, que même si on utilise le principe de redondance sur le matériel de plongée, le cerveau lui reste unique.

Malgré ce côté un peu dissuasif, cette activité commence à prendre de plus en plus d’essor.

Ce film, je l’espère déclenchera peut-être de nouvelles vocations afin que les explorations et la connaissance de ces réseaux hydrauliques méconnus continuent d’évoluer.

Les lieux de tournage :

Source du Durzon à Nant (Aveyron)

Source de la Sorgues à Cornus(Aveyron)

Source de Burle a Sainte Enimie (Lozère)

Source du Vidourle à Sauve ( Gard)

Font Estramar a Salses le Château (Pyrénées Orientales)

Gouffre Saint Sauveur à Calès (Lot)

Emergence du Ressel à Marcilhac (Lot)

Millau (Aveyron)

Lodève (Hérault)

Pole Hydrosciences (Montpellier)

Museum d’Histoire Naturelle (Paris)

Cavalaire et Pierrefeu (Var)

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